Suite d'Armide ou Jérusalem délivrée
Opéra créé en octobre 1704 à Fontainebleau
Cet opéra, conçu comme une « suite » à l’Armide de Quinault et Lully (1686), retrace les étapes de l’ultime délivrance de Jérusalem par les chevaliers chrétiens autour des couples emblématiques du poème du Tasse – Tancrède et Clorinde (puis Herminie), Renaud et Armide.
Si, au moment de la création à Fontainebleau en 1704, les papiers de la Maison du roi attribuent l’opéra à Gervais, dans son journal, Dangeau, peut-être par discrétion, reste imprécis sur l’identité du compositeur. Cette double ambiguïté pose la question de la paternité, laissant du moins sous-entendre que le prince, comme pour Penthée, s’est fait seconder par son maître de musique, sans qu’il soit possible de préciser en quelles proportions. Quoi qu’il en soit, l’œuvre obtint sans doute un certain succès, et fut redonnée l’année suivante au Palais-Royal.
Après un prologue qui chante les vertus du roi, la tragédie s’articule autour des principaux éléments de la délivrance de la ville de Jérusalem. L’on y voit tour à tour Tancrède et Renaud, chefs des chevaliers chrétiens, prisonniers d’Armide ----et de ses charmes, tenter de vaincre le sort et sortir de ses fers ; les efforts d’Armide, en proie au doute et à son amour pour Renaud, pour renforcer ses charmes et maintenir les chevaliers captifs ; enfin, le triomphe de la vertu, symbolisé par la victoire des Chrétiens sur les Sarrasins, mais aussi le triomphe de l’amour, Tancrède cédant enfin à l’amour d’Herminie, et Renaud pardonnant à Armide, tous deux pouvant enfin céder à un amour apaisé.
Philippe II d’Orléans, Régent de France de 1715 à 1723, eut pour les arts en général, et pour la musique en particulier, un goût et des aptitudes singulières. Musicien accompli – il pratiquait le clavecin, la guitare, la flûte traversière, la viole de gambe, le chant – il était un mécène éclairé. Il intervint pour faire nommer Marc-Antoine Charpentier puis Nicolas Bernier, deux de ses maîtres de composition, à la tête de la Musique de la Sainte-Chapelle, favorisa André Campra ainsi que Charles-Hubert Gervais, qui devint en 1701 le surintendant de sa Musique, et avec qui il entretint des liens très forts. Outre ces quatre maîtres, la liste des musiciens protégés par le prince est éloquente : Marais, Forqueray, Desmarest, Duval, Morin, Hotteterre, Bertin de La Doué, Bouvard, Matho, etc. Mais c’est aussi son amour pour la musique italienne qui influa de manière remarquable sur l’évolution des goûts. Il parlait en effet couramment la langue, entretenait et protégeait des artistes, compositeurs et musiciens venus d’Italie. Depuis le Palais-Royal, sa résidence parisienne devenue l’un des foyers d’italianisme les plus influents, le prince favorisa la synthèse des esthétiques et des idiomes musicaux par l’implantation et l’acclimatation au goût français de genres typiquement ultramontains comme la cantate, la sonate ou encore le concerto, encourageant ainsi en France l’essor décisif de la musique instrumentale.