L’enregistrement des Boréades de Rameau réalisé en septembre 2023 avec György Vashegyi pour le label Érato s’inscrit dans un vaste chantier thématique que le Centre de musique baroque de Versailles (CMBV) a entamé dix ans plus tôt, en 2013, à l’occasion de la préparation de l’année anniversaire des 250 ans de la mort de Jean-Philippe Rameau (1764-1014). En partenariat avec la Société Jean-Philippe Rameau, qui se dédie à l’édition complète des œuvres du compositeur sous la direction scientifique de Sylvie Bouissou (Rameau Opera Omnia), le CMBV s’était alors donné un double objectif : d’une part, celui de recréer et d’enregistrer tous les derniers opéras inédits de cet auteur, ainsi que plusieurs versions alternatives imaginées par Rameau à l’occasion de reprises et qui n’avaient pas encore été rejouées aux XX^e et XXI^e siècles ; d’autre part, de réinterroger les pratiques d’interprétation, en proposant de nouvelles lectures – historiquement informées et profitant des derniers fruits de la recherche musicologique – de certains des titres les plus célèbres.

 

C’est ainsi qu’ont vu le jour en 2014 les productions discographiques des Fêtes de l’Hymen et de l’Amour (version 1747) avec Le Concert Spirituel (Glossa), du Temple de la Gloire (version 1746) avec Les Agrémens (Ricercare), des Fêtes de Polymnie (version 1745) avec Orfeo Orchestra (Glossa), de Zaïs avec Les Talens lyriques (Aparté), de La Lyre enchantée (version 1748) avec Les Folies françoises (NoMadMusic), puis successivement de Naïs (version 1749) avec Orfeo Orchestra (Glossa, 2017), du Temple de la Gloire (version 1745) avec Philharmonia Baroque Orchestra (Philharmonia Baroque Productions, 2017), des Indes galantes (version 1761) avec Orfeo Orchestra (Glossa, 2018), de Dardanus (version 1744) avec Orfeo Orchestra (Glossa, 2020), des Fêtes d’Hébé (version 1747) avec Orfeo Orchestra (Glossa, 2021), d’Achante et Céphise (1751) avec Les Ambassadeurs – La Grande Écurie (Érato, 2021), du Retour d’Astrée (1748) et des Sybarites (1753) avec Les Surprises (Alpha Classics, 2021) et de Zoroastre (version 1749) avec Les Ambassadeurs – La Grande Écurie (Alpha Classics, 2022).

 

Ces premiers enregistrements et ces nouvelles versions ont profité du talent d’artistes reconnus, mais aussi des dernières découvertes scientifiques concernant le contexte et l’interprétation des opéras de Rameau en sont temps. La présente version des Boréades ne fait pas exception : réunissant des chanteurs exceptionnels – au premier rang desquels Sabine Devieilhe et Reinoud van Mechelen – ainsi qu’un ensemble orchestral et choral aujourd’hui reconnu comme l’un des plus aguerris en matière d’opéra baroque français, Orfeo Orchestra et Purcell Choir portés par le chef György Vashegyi, l’œuvre a été enregistrée sur la toute nouvelle édition réalisée par Sylvie Bouissou dans le cadre de Rameau Opera Omnia. Plusieurs aspects musicologiques ont été pris en compte dans le traitement orchestral : l’absence de clavecin dans les danses et la présence d’une contrebasse dans le continuo (comme le stipulent les sources), ainsi que l’usage de hautbois et non de clarinettes (la note de Rameau les mentionnant dans l’ouverture faisant penser à un projet d’insertion non abouti). Par ailleurs, la distribution tente de rendre compte de la voix des chanteurs pour qui l’œuvre avait sans doute été pensée à l’origine, et en premier lieu Marie Fel dans le rôle d’Alphise (une soprano légère et brillante, au timbre cristallin et profondément touchant à en croire les chroniqueurs du temps) ainsi que Pierre Jéliote dans celui d’Abaris (une haute-contre ductile capable d’expressivité aussi bien que de vaillance). Tous deux retraités de l’Opéra (respectivement en 1755 et 1758), ils continuaient de se produire à la Cour, où l’ouvrage devait être créé en 1763. L’ornementation vocale (et notamment son usage non pas stylistique mais destiné à caractériser les emplois), les respirations et phrasées, les tempis et les enchaînements de sections sont également issu d’une étude méticuleuse des matériels vocaux et instrumentaux de l’époque encore conservés aujourd’hui à la Bibliothèque nationale de France.