Le Métier du maître de musique d’Église (XVIIe-XVIIIe siècles)
Activités, sociologie, carrières
Ce livre se propose, de manière originale, d’étudier la complexité du métier de maître de musique qui est au cœur de cette communauté d’« artisans » de la musique d’église, et ce, en tenant compte de la diversité des situations géographiques, historiques, institutionnelles, des personnalités, des plans de carrière. Il met en parallèle les conditions d’exercice de ce métier entre la France, l’Italie et les Pays-Bas espagnols. Il aborde des sujets d’ordre artistique comme la composition, sa préservation par les manuscrits ou l’édition, les méthodes d’enseignement, la théorie, l’exécution de la musique. Enfin, il tente d’analyser les rapports professionnels que le maître de musique peut avoir avec les chantres du bas chœur, les enfants de chœur dont il a la charge, les musiciens invités, le chapitre, les institutions laïques et religieuses, l’organiste.
De cet ensemble, se dégagent des portraits extrêmement variés, souvent hauts en couleur, qui permettent de mieux comprendre le rôle de ces musiciens, la diversité des pratiques, la place du compositeur dans la société de l’Ancien Régime et surtout qui ouvrent de nouvelles perspectives de recherche.
Loin d’un désert musical, la France de l’époque moderne est riche de musique dans ses villes grandes et moyennes. Les institutions ecclésiastiques, cathédrales, collégiales voire petites églises, la Chapelle royale aussi, financent chanteurs et instrumentistes, mais aussi une maîtrise, école destinée à former de futurs artistes musiciens sous la direction d’un maître de musique. C’est à ce personnage, à ses différentes fonctions, qu’est dédié ce livre. ----
À la fois pédagogue, compositeur, chanteur et/ou instrumentiste, théoricien, il est chargé de tout ce qui concerne la bonne exécution de la musique durant les offices, conduisant le chœur d’enfants, les chantres du bas chœur, les instrumentistes (ceux de l’église, de la ville ou ceux de passage). Il participe à la rédaction des livres de plain chant, compose, copie messes et motets polyphoniques, rend des comptes au chapitre dont il dépend. Certains maîtres sont sollicités hors l‘institution pour des concerts de musique sacrée ou profane, parfois même au théâtre, plus souvent dans les établissements religieux d’alentour.
La diversité des carrières étonne, certains maîtres demeurant leur vie durant dans une même institution comme Poitevin. D’autres optent, comme Gantez, pour de véritables périples, rarement au-delà des frontières toutefois ; d’autres, comme Campra, préfèrent au lutrin les lumières de la scène de l’opéra ; quelques-uns, enfin, cherchent à laisser une trace de leur œuvre en publiant messes et motets. Toutefois, la spécificité française d’un tel métier ne se comprend que par comparaison avec les réalités des pays voisins, tels l’Italie ou les Pays-Bas espagnols.
Malgré le grand nombre de travaux d’érudition qui ont permis l’identification de nombreux maîtres de musique officiant dans les églises de France durant l’Ancien Régime, malgré une riche documentation insuffisamment exploitée, nous n’en savons que peu sur la réalité du métier de ces musiciens d’église.
Pour la plupart, aucune œuvre musicale ni aucune trace de leur enseignement n’ont été conservées ; pour d’autres, les documents existent mais attendent encore une analyse approfondie. Le métier de maître de musique reste complexe à cerner, du fait de la diversité des situations qui conditionnent fortement son rôle et sa fonction : que ce soit du point de vue géographique, de l’importance et de la richesse de la cité, de la présence dans la cité d’autres institutions religieuses ou laïques employant des musiciens, des moyens financiers consacrés à la musique, des statuts de l’institution, des époques, des charges qui l’occupe. Lorsque l’institution dispose d’une psallette d’enfants ou lorsque les voix de dessus sont exécutées par des castrats adultes, lorsqu’elle peut engager des instrumentistes ou non, les fonctions sont alors fondamentalement différentes, comme le type de musique exécutée lors des offices.
Le statut de ces maîtres de musique varie aussi, sensiblement, selon qu’ils sont prêtres ou laïcs, dépendants du chapitre, de la ville ou de la Cour. Leurs rapports avec les chantres du bas choeur ou le corps des chanoines restent eux aussi difficiles à appréhender, tout comme les relations qu’ils peuvent entretenir avec l’organiste. Nous n’en savons guère plus sur le contenu de l’enseignement qu’ils prodiguent aux enfants.
Pour comprendre les formes diverses que prend cette profession, une première partie présente diverses situations en évitant l’ornière de la monographie : petites églises, Paris, la Cour, mais aussi, hors le royaume, la singularité de Nancy et la cour de Léopold, celle de Liège, et plus loin de l’Est sicilien ou de Rome. Puis sont abordés successivement, en deuxième partie : comment faire carrière, en troisième partie : « l’entrepreneuriat » où le maître se fait recruteur à la fois pour l’église, mais aussi pour les institutions laïques. La quatrième partie expose ses rapports avec le monde de l’édition, la cinquième partie, le comment enseigner.
Cet ouvrage au contenu pluridisciplinaire (histoire des institutions ecclésiastiques, musicologie, histoire de la pédagogie, de la création musicale, étude des rapports entre poètes néo-latins et musiciens), se place dans la continuité des nombreux travaux dirigés par Bernard Dompnier au CHEC de Clermont-Ferrand, travaux qui ont contribué à la mise en place de l’enquête archivistique publiée sur le site Muséfrem.
Bernard Dompnier, professeur émérite à l’Université Clermont Auvergne (CHEC), est spécialiste de l’histoire du catholicisme à l’époque moderne.
Jean Duron, fondateur et directeur (1989-2007) de l’Atelier d’études sur la musique française des XVIIe & XVIIIe siècles du CMBV, est spécialiste de la musique à l’époque de Louis XIV.