Samson, oratoire
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Entre 1733 et 1736 Voltaire se consacre au livret de Samson pour Rameau avec l’ambition de renouveler le genre de la tragédie lyrique. Pour hausser l’œuvre à la noblesse de la tragédie antique il privilégie l’épique. Il applique la dimension du merveilleux, habituellement réservée à la mythologie, à l’Ancien Testament, assimilant les vérités bibliques à des fables philosophiques. Les codes de l’opéra traditionnel sont ainsi transgressés au profit des idées contenues dans ses Lettres philosophiques. Censuré, l’opéra ne fut jamais représenté et la musique en est aujourd’hui perdue. Quarante ans plus tard, Nicolas-Jean Lefroid de Méreaux (1745-1797), l’un des rares organistes à mener de front et avec succès une carrière de compositeur pour l’Eglise et pour le Théâtre, utilise une partie de ce livret (les deux premiers actes avant l’entrée de Dalila) pour un oratorio en français représenté le 25 mars 1774 au Concert-Spirituel.
La pièce s’ouvre par un tableau de l’esclavage des Hébreux victimes de l’oppression religieuse des Philistins. L’apparition de Samson annonce la rébellion ; il ordonne une tempête qui embrase le camp philistin. Ceux-ci annoncent leur défaite par la voix de leur roi suscitant l’air de victoire des Hébreux. La pièce s’achève alors par l’hymne du peuple à la gloire du héros et au repos bien mérité du guerrier.----
Le compositeur appuie le projet voltairien de retour à la grandeur épique, bien qu’il en édulcore la dimension polémique (il n’inclut pas l’air « Peuple, éveille-toi, romps tes fers » qui sera repris en hymne révolutionnaire par Gossec en 1791). Ainsi, le conflit des deux peuples ennemis est parfaitement perceptible dans les contrastes du chœur central « De Dieu connaissez la vengeance », nœud dramatique de l’œuvre, entre les voix graves, du côté des Hébreux répondant aux invectives de Samson, et des voix aigues, qui accusent les coups. L’ampleur et la puissance sonore du chœur final « Sonnez, trompette, organe de la gloire » célèbrent le libérateur d’un peuple victime de la tyrannie tout en participant du grandiose qu’implique le sujet biblique.
L’œuvre connut un certain succès. Elle fut jouée en présence de Voltaire en 1778. On en retrouve deux vers reproduits dans le tableau du frère Goujet dévoilé lors de l’apothéose maçonnique du 28 novembre 1778, en hommage au grand homme récemment disparu.
L’oratorio dure une petite demi-heure. Il requière 5 chanteurs solistes (dessus, haute-contre, deux basses-tailles et basse), un chœur à 5 (dessus (divisés), hautes-contre, tailles, basses-tailles et basses) et un orchestre fourni comprenant tous les bois (fl, hb, cl, bon, cor), trompette, et timbales et les cordes (violons 1 & 2, altos 1 & 2 et basses).
Basse : "Il fait trembler sur leur trône… "