Jephté
Tragédie en musique créée le 28 février 1732 à l'Académie royale de musique, Paris
Le Centre de musique baroque de Versailles édite une nouvelle œuvre de l’Académie royale de musique de Paris dans sa collection opéra numérique.
Jephté, « tragédie biblique », est le seul opéra français des xviie et xviiie siècles à s’appuyer sur les Écritures saintes. L’histoire est tirée du Livre des Juges : ce père qui sacrifie sa fille pour tenir la promesse faite au Seigneur est un sujet puissant, indéniablement propice à être porté à la scène, rappelant les mythes sacrificiels intrafamiliaux plus exploités d’Andromède, Idoménée ou Iphigénie. Habilement, le livret de Pellegrin prend soin de dissocier deux intrigues parallèles---- : d’un côté l’Histoire sainte et le drame personnel de Jephté, mis en relief par la figure hiératique du grand-prêtre Phinée (actes 1 et 3) ; de l’autre, l’épisode amoureux d’Iphise et Ammon (actes 2 et 4), de la composition du librettiste. Seule Almasie, épouse de Jephté et mère d’Iphise, intervient de manière transversale. Les deux intrigues se connectent au cinquième acte et sont dénouées en parallèle.
« Pour la musique, les plus grands connaisseurs la trouvent très digne de Lully, et on ne les contredit point », constate élogieusement le Mercure. La forme adopte certes le moule lulliste, mais les pages les plus saillantes évoquent plutôt Marc-Antoine Charpentier, aux harmonies recherchées et aux accents très expressifs. Mais indéniablement, cette partition annonce l’avenir. L’inventivité des formes, l’ampleur des développements, la richesse de l’écriture, la variété des couleurs instrumentales, l’usage des masses chorales en font une partition qui dépasse, de loin, celles de ses prédécesseurs et contemporains. Beaucoup des expérimentations de Montéclair intègrent par la suite le langage orchestral de Rameau. En outre, Montéclair et Rameau partagent un sens commun d’une méticulosité rare pour l’époque : l’un et l’autre multiplient les indications relatives à l’orchestration, à l’ornementation, aux silences et aux respirations, au tempo et aux nuances.
Michel Pignolet de Montéclair (1667-1737) est un compositeur, pédagogue et musicien français emblématique de la première moitié du xviiie siècle. Après des études à la maîtrise de la cathédrale de Langres, il s’installe à Paris en 1687 et intègre l’orchestre de l’Opéra vers 1700 en tant que joueur de basse de violon et de contrebasse, fonction qu’il occupe jusqu’à sa mort. Il se fait rapidement connaître comme auteur d’airs, de suites instrumentales et de cantates. On lui doit aussi plusieurs méthodes, dont les Principes de musique divisés en quatre parties (1736), admirée des théoriciens et des enseignants. À l’Opéra, il fait jouer successivement un ballet, Les Fêtes de l’Été (1716) et une tragédie en musique, Jephté (1732). Cette dernière se révèle l’un des ouvrages les plus joués durant tout le siècle.
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