Tragédies lyriques, vol. 1 : Didon
Didon
Didon, reine de Carthage, prépare son mariage avec Énée, reniant par là même la promesse faite à son défunt mari et humiliant son prétendant Iarbe, puissant roi de Gétulie. Iarbe, redoutant ce mariage, en appelle à son père Jupiter qui lui promet vengeance : Énée doit partir pour la conquête de l'Italie. Malgré le désespoir de Didon et l'amour d'Énée, celui-ci quitte Carthage avant le mariage sous la pression du dieu Mercure. Didon, folle de désespoir, se donne la mort.
Le jeune Henry Desmarest (1661-1741), compositeur de 32 ans, ancien page de la chapelle royale de Versailles, défraye la chronique lorsque sa tragédie-lyrique Didon est créée : il vient de révéler qu'il était le véritable auteur de la musique de Nicolas Goupillet, sous-maître de musique de la chapelle royale de Louis XIV. La supercherie ridiculise le monarque, sa musique et le concours qui avait permis en 1683 de renouveler les compositeurs officiels. Si le succès de l'opéra profita certainement du scandale, l'échec de la puissante cabale qui fut montée pour le retirer de la scène confirme que le public sut immédiatement apprécier la qualité de l'œuvre. Ce qui permit à l'Académie Royale de Musique, bien orpheline depuis la mort de Lully et de Quinault, de repartir d'un nouvel élan.
L'œuvre a une personnalité indéniable. Si elle s'inspire fortement du modèle d'Armide de Lully, elle s'en émancipe par un nouveau sens du drame et surtout par une écriture musicale qui doit beaucoup aux autres grands modèles du compositeur : Henry Du Mont et Marc-Antoine Charpentier. Les airs montrent un sens extrême de la conduite des voix ; beaucoup d'entre eux sont accompagnés par l'orchestre, devant plus au récitatif accompagné qu'aux airs à l'italienne. Ils mettent en valeur les moments les plus importants du drame : instant de vérité, drame intime, sentiment solitaire. L'orchestre, par ce biais, classe et hiérarchise les rôles : Didon et Iarbe sont les grands protagonistes de cette œuvre. Didon ouvre et termine l'opéra, occupant tout l'espace du drame. La musique réserve à Iarbe des effets spéciaux, mystérieux, comme lorsqu'il chante son désespoir accompagné par quatre parties d'altos.
Madame de Saintonge, librettiste de l'œuvre, possède un don rare : elle sait écrire pour la musique. Desmarest collaborera avec elle tout au long de sa vie. Elle utilise une langue fort élégante, dont la pièce tire une grande force. Elle s'éloigne de Virgile pour dépeindre Énée comme un homme : un prince hésitant qui, s'il est capable de créer Rome, souffre d'amour. Les pièces d'orchestre montrent une science du contrepoint et un goût subtil pour une tonalité teinte de formules modales. L'influence de Charpentier et sa manière directe acquise auprès des italiens pour dépeindre les passions et dramatiser le discours musical, la densité de l'écriture musicale, le mysticisme de ce jeune compositeur qui préfère les paysages sombres et l'angoisse, le désarroi, la tension permanente des gestes finiront de convaincre qu'il s'agit là d'un grand opéra.
La présente édition critique, réalisée par Géraldine Gaudefroy-Demombynes et Jean Duron, s'appuie sur une comparaison de plus de 15 sources musicales originales et 10 livrets d'époque, permettant de restituer fidèlement la première version de l'opéra. Les recherches précises ont permis de mettre à jour les variantes des différentes version, laissant aux interprètes une grande liberté, et de préciser l'instrumentation utilisée, si particulière à Desmarest. L'ouvrage inclut une riche documentation et un appareil critique très complet.
Comparaison de l'écriture des différents copistes des sources primaires
Comparaison de l'écriture des différents copistes des sources secondaires
Différents copistes du matériel de l'opéra
Annotations manuscrites du matériel de l'opéra
Table des pièces de l'édition Ballard
Pièces de l'édition Ballard ne figurant pas dans les sources manuscrites de 1693
Source chorégraphique imprimée
Sources chorégraphiques manuscrites
Pièces ajoutées en 1704 et 1705-1716
Arrangement d'un choeur dans la source lyonnaise
Les versions de Didon d'après les sources complètes de 1693 et les sources de 1704